Une menace existentielle qui devrait nous interpeller


Les guerres que le Rwanda impose au Congo depuis 30 ans ont été imposées aux communautés congolaises du Kivu durant des siècles avant la création du Congo. Et toutes ces guerres sont les fruits d'un projet hégémonique héréditaire.

Pour bien comprendre la «pensée rwandaise», plus particulièrement celle de Paul Kagame exprimée à chaque moindre occasion comme il l'a fait récemment au Benin, il faut cerner les récits historiques rwandais, les «Ibitekerezo».
Les mythes d'origine et fondateur sont révélateurs des menaces existentielles que représente le Rwanda vis-à-vis de ses voisins, surtout du Congo :
1. «Kigwa» : un mythe d'origine qui a posé une base de la stratification sociale, de la domination ethnique et de la «grandeur du Rwanda». À l'origine ,le Rwanda est considéré comme un royaume planétaire («Urwanda rugari») avec le Rwanda initial («Urwanda Gasabo») comme centre de ce royaume planétaire.
Les aristocrates rwandais sont les descendants de «Kigwa» et sa soeur ainsi que son frère appelé «Mutusi», venus du «ciel» (Ibimanuka) et d'autres rwandais sont «Ceux rencontrés sur la terre » («Abasangwa-butaka»)
2. «Gihanga» : un mythe fondateur qui fait de Gihanga(13 ème rois et fondateur de la dynastie Nyinginya après la dynastie des «rois divins») le fondateur mythique du Rwanda et à qui on attribue une conquête mythique de presque tous les royaumes voisins. Il fonda le Rwanda et mis «Kanyarwanda» à sa tête, le Bunyabungo et mis «Kanyabungo», fonda le Buhunde,le Butembo,le Gisaka, le Bufulliro, qu'il appela «Bapfurero»...
Gihanga, dans l'imaginaire collectif rwandais, est le conquérant à l'origine de tous ces pays à la tête desquels il avait mis son fils héritier «Kanyarwanda» comme une sorte de président confédéral. C'est pourquoi le «Kanyarwanda » se croit avoir le droit de contrôle sur tous ces espaces lui légué par Gihanga
C'est «Gihanga» qui donne forme au projet hégémonique de ces ancêtres divins, les «Ibimanuka». C'est le «programme martial » de réunir le Rwanda et de l'étendre continuellement par des guerres expationnistes et la ruse.
C'est par la ruse que les cinq états voisins du Rwanda initial avaient été conquis (vers1310-1390) et que devrait l'être ,selon Alexis Kagame (historien rwandais et Conseiller à la cours royal), le «Bunyabungo» (pays des Bashi) vers 1890 après sa forte résistance : «... la masse rwandaise devrait venir s'installer sur la colline, ensuite sur la suivante et ainsi de suite de sorte que finalement le pays soit submergé et vaincu » (Actes de colloques de Bujumbura,p. 319)
Il s'agit d'un projet héréditaire qui s'inscrit dans la devise du nom «Rwanda» (Ru-aanda,qui signifie étendue illimitée). C'est pourquoi,affirme Alexis Kagame (Voir Cahiers Lumière et Société,No: 8,p.327), « Toute l'histoire de la dynastie Nyinginya sera de faire en sorte que ce programme devienne une réalité », c'est la «Grande extension ».
C'est ce qui fait que le Rwanda actuel est à 90% le fruit de conquêtes d'une vingtaine des États (le Rwanda initial ,«Urwanda Gasabo», était un tout «petit territoire aux abords du Lac Muhazi»(Jan Vansina)et qui ne comprenait même pas le Mont Kigali car faisant partie de l'État de Bugesera (à Kibungo actuel) et qu'il ne cessera jamais de convoiter les territoires des pays voisins, surtout le Kivu.
La pensée officielle rwandaise confond les territoires conquis, annexés, razziés et sous influence. Après plus de cinq siècles de guerre et défaites ,c'est seulement le roi Rwabugiri qui osa gagner une seule bataille contre les Bashi et tua en eventrant la Reine mère à Muhumba. Et la revenche des Bashi était dévastatrice.
Rwabugiri, le plus grand roi guerrier de l'histoire du Rwanda fut tué comme le fut avant lui son arrière grand-mère, roi Ndahiro II Cyamatare à l'époque où les Bashi-bahavu avaient conquis et occupés le Rwanda entier durant 12 ans !
Idwi fut occupé militairement et administré par le Rwanda avant d'être libéré par les Bashi en assistance aux Bahavu après la mort de Rwabugiri. Le Buhunde fut certe vaincu militairement et était resté sous l'influence du Rwanda pendant un moment avant de s'émanciper. Il n'avait jamais été annexé car la dynastie régnante est resté au pouvoir [ Alexis Kagame, Notes de cours sur le poème Nyakayonga...,p. 40; Jan Vansina,2001,pp.74,76 ]
Seulement, et il faut l'admettre sans fausse modestie, une partie de Bwisha(à Rutchuru) avait était annexé au Rwanda vers le 18 ème siècle mais là aussi, la tracée des frontières par les puissances coloniales en 1910-1911 a réglée le problème des terres et des populations comme c'est fut le cas au Bufumbira.
Ceux qui sont restés au Rwanda sont des rwandais et ceux qui sont restés au Congo sont des congolais et il n'y a aucun problème à ce sujet comme veut le faire croire Paul Kagame. D'ailleurs les populations de Bwisha sont hostiles au Rwanda de Paul Kagame qu'elles n'ont jamais mandatées pour parler de leur problème imaginaire. Bwisha est peuplé par les «Banyarwanda» congolais ,hutus et Tutsis, chacun occupant sa terre sans qu'il n'y ait jamais de problème !
Si c'est cette ancienne conquête du Rwanda qui pose problème, nous pouvons aussi revenir à l'histoire pour :
1. Revendiquer le territoire entier du Rwanda qui avait été conquis, occupé et administré vers 1477 par le roi Nsimbula ,fils de Princesse Shi Nyibunga et son frère( Voir Gamaliel Mbonimana, p.98-99; Jan Vansina,2012 ) J'espère que les rwandais n'ont pas oublié « Urubi rw'inyundo » !
2. Revendiquer les États fondés par des princes «Banyabungo» à savoir, «Kinyaga», Bukunzi et Busozo (actuelle province de Cyangugu) et qui n'ont été véritablement annexé au Rwanda que suite à l'intervention des colons belges après les tentatives de Kigeri II Nyamushera[R. Bourgeois,1956; Alexis Kagame,1972,p.121]
3. Revendiquer la première ligne frontière de 1984-1985 qui a fait de Cyangugu un territoire congolais et où même un poste militaire des Belges était stationné alors que le Rwanda était sous la colonisation de l'Allemagne.
Bref, le Congo a aussi des territoires à revendiquer s'il s'engageait dans cette voie irresponsable de la remise en cause de l'histoire et engagements internationaux.
Ce que les congolais doivent comprendre est que ce que Paul Kagame fait depuis 27 ans au Congo, étant guidée par la pensée du «Grand Rwanda» , a été fait hier par ses ancêtres «Nyinginya» qui ont régné sur le Rwanda ancien durant des siècles. Et je ne doute pas qu'il ait d'autres Kagame qui viennent après lui pour continuer avec le projet «héréditaire» de l'extension continuelle du Rwanda afin de lui rendre sa grandeur.
En conclusion,il est important que les congolais prennent conscience du danger permanent que représente la pensée hégémonique rwandaise qui est transmise des générations en générations et qui se manifeste par des guerres incessantes que ce pays impose à nos populations.
Autant qu'une guerre nucléaire représente une menace existentielle pour l'humanité, car elle pourrait entraîner l'extinction de l'être humain, autant le Rwanda représente une menace existentielle pour le Congo,car il s'acharne à contrôler les ressources d'une bonne partie du Congo à défaut d'obtenir sa «balkanisation». C'est notre existence en tant que pays et peuple qui est menacée !
Il est donc important pour l'État congolais de se doter des documents de planification stratégique avec des objectifs à atteindre à court, moyen et long terme pour éradiquer cette menace et promouvoir la paix durable entre les peuples frères du Rwanda et de la RDC.
Car j'ai l'impression qu'on n'a jamais pris cette menace au sérieux, ce qui nous réduit depuis plus de 25 ans à subir constamment la barbarie d'un petit pays.
Sur ce, concrètement,je propose aux autorités congolaises :
1 . De déclarer formellement le Rwanda comme une «menace existentielle»
2. De créer au sein des services de renseignement le «DESK RWANDA » chapeauté par le Conseil National de Sécurité et composé des experts en sécurité et des spécialistes du Rwanda et des conflits dans la région des Grands-Lacs.
3. D'élaborer des documents de «planification stratégique» avec des objectifs précis à atteindre à cours, moyen et long terme.
4. De mobiliser les ressources humaines,matérielles et financières conséquentes pour atteindre ces objectifs.
18 avril 2023




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