En atteignant le lac Kivu vers 1894, le Comte Gustave Von Götzen, dit découvreur du lac Kivu comme si nos ancêtres ne connaissaient pas le lac, prédisait des conflits entre l'Allemagne et la Belgique au niveau des frontières. C'était chose faite 5 ans plus tard tel qu'illustré par les articles de la revue diplomatique de 1899 et le journal « La revue Belge » de 1928.
Dans sa parution No 40 du « 1er octobre
1899», l'hebdomadaire « la revue
diplomatique » écrivait sur un incident des frontières entre Allemands et Belges en
Afrique centrale.
L'Allemagne avait déplacé ses frontières sur deux postes avancées en ne respectait plus le tracé de
1884.
L'Allemagne, écrivait le journal, « avait établi un poste sur la côte orientale du lac Kivu et déclarait possession allemande le Rusisi, cours d'eau marécageux qui relie les lacs Kivu et Tanganyika.
Les autorités allemandes justifiaient leur action de la manière suivante : durant les mutineries des Batetelas, les postes de l'Etat libre de Lubenga et de Luahilimtai situés tous deux sur la rive orientale du lac Kivu, ont été pris et brûlés par les révoltés qui, en outre, ont commis des déprédations en territoire Allemands. A la suite de ces incidents, les Allemands ont prétendu que l'occupation du district à l'est du lac par l'Etat Libre n'était pas effective et ils ont installé des postes dans le district momentanément évacué par les Belges.
Naturellement, l'Etat du Congo n'est nullement disposé à abandonner ses droits et une troupe imposante composée de cinq cents hommes bien équipés, sous le commandement
du commandant Hennebert et de huit officiers blancs, a quitté Stanleyville il y a quelque temps pour rétablir les stations du lac Kivu ».
Le départ précipité des Belges face à l'avancée des révoltés qui avaient déjà massacré des populations à la bataille d'Uvira, de Ngweshe à Walungu et dans d'autres villages de la plaine de la Ruzizi laisse la voie libre aux Allemands. C'est ainsi que deux postes avancées furent créées à Cyangugu au Rwanda et à Vunehuza dans Cibitokye au Burundi. Le poste Venehuza était juste à la rive gauche de la rivière Ruzizi. Pour faire face au poste de Cyangugu, les Belges créeront le poste de chez Nya Lukemba. Les photos du premier campement existent.
Le journal « la revue Belge« dans sa parution du 01 octobre 1928 revient sur les détails de l'incident de la Ruzizi avec le témoignage du cdt Hennebert déjà cité plus haut.
Dans sa tribune, le cdt Hennebert dit « qu'une fois à la Lubirisi, je marche en tête. Les porteurs que Kitwasi, le chef de la région d'Uvira, nous a fournis me font prendre un sentier obliquant vers le gué de la Rusisi. En arrivant près du cours d'eau, j'aperçois, sur la rive opposée, le drapeau allemand flottant largement au-dessus d'un camp important. Lorsque je touche au bord de l'eau, trois coups de feu sont tirés à intervalles réguliers du camp allemand; je ne sais s'il faut les comprendre comme étant un salut de bienvenue ou comme une semonce. Je calme mes soldats qui mettent déjà une cartouche dans leurs fusils » .
Il poursuit en disant que « la présence d'un poste allemand ne nous surprenait pas.
Nous savions que l'Allemagne avait avisé le Gouvernement de Bruxelles qu'elle se trouvait dans l'obligation de faire avancer les troupes de sa Colonie de l'Est africain jusqu'à la Rusisi et jusqu'au Kivu, afin de prendre une position défensive contre les révoltés Batétélà, et que cette occupation, qu'elle qualifiait de momentanée, prendrait fin lorsque la révolte serait anéantie. Les instructions que le commandant Hecq avaient reçues du Gouverneur Baron Dhanis, par sa lettre du 27 août 1899, nous prescrivaient de pénétrer pacifiquement dans la région à l'Est de la Rusisi, de protester très courtoisement contre la présence éventuelle des Allemands, et, dans ce cas, d'occuper ce territoire conjointement avec eux, en ayant soin de ne pas mettre nos nouveaux postes en contact immédiat avec les leurs pour éviter des conflits.
Notre colonne arrêtée et le bivuac établi à une distance de deux cents mètres de la Rusisi, Hecq écrit une lettre de protestation et nous décidons de nous rendre aussitôt, lui et moi, de l'autre côté de l'eau, pour remettre la protestation au chef du poste allemand, dans le cas où nos revendications ne seraient pas acceptées d'emblée».
Les pourparlers de Luberizi que présente cet officier ont duré 6 jours avant que le négociateur en chef, le cdt Hecq, ne cède devant les Allemands. Hecq s'était rendu compte de la puissance de feu Allemand positionnée au Niveau de Venehuza (chibitoke) et du nombre de ses combattants qui seraient engagés. Il avait 175 fusils quand les Allemands en avaient plus de 250. Ça lui aurait aussi coûté beaucoup d'hommes s'il traversait la Ruzizi en tirant car la vitesse de l'eau est trop rapide à cet endroit. Stratégiquement parlant, il était dans l'impasse.
Tactiquement, il ne pouvait que négocier et céder. En cédant devant le Cdt Allemand Bethe, Hecq venait de céder une partie du territoire de l'Etat Indépendant du Congo (RD Congo)
Les révoltés, quant à eux, une fois la frontière de l'Etat Indépendant du Congo franchie ont été désarmés et cantonnés.
Une partie des révoltés Batetela avait été cantonnée à Nyamasheke et d'autres dans d'autres villages du Ruanda et de l'Urundi.
Pour finir, il faut dire qu'à la fin de la conférence de Berlin (1884-1885), le lac Kivu ne figurait pas sur la carte. La frontière en 1885 était au 30e parallèle du 1er degré de latitude sud au 1°20 de latitude sud, et de là par une ligne droite imaginaire tirée du point d'intersection du 30° degré de longitude Est avec un parallèle de 1°20' de latitude Sud jusqu'à l'extrémité nord du lac Tanganyika.
Cette explication prouve que le lac Kivu se trouvait à l'ouest de cette ligne imaginaire et faisait partie de la RD Congo actuelle.
Cette ligne passait ou englobait aussi la trouvait à l'ouest de cette ligne imaginaire et faisait partie de la RD Congo actuelle.
Cette ligne passait ou englobait aussi la ville de Save, connu aujourd'hui comme la ville de Butare.
Et donc loin, et très loin de la frontière actuelle qui se situe au niveau de Cyangugu/ Kamembe.
Ce conflit de frontière d'hier ne fait que se répercuter aujourd'hui. Nous produirons un autre article beaucoup plus détaillé sur cette crise de frontière dans les jours à venir.
Ewing Ahmed Salumu (Février 2023)
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