Les émeutes de Léopoldville avant l'indépendance


Le 4 janvier 1959, une manifestation organisée à Léopoldville, au Congo belge, dégénère en émeutes violentes qui entraîneront une sévère répression des autorités. Cet événement donnera un élan aux revendications indépendantistes qui trouveront un écho dans un discours prononcé par le roi des Belges, Baudouin 1er, le 13 janvier.

Un désir d'autonomie face aux puissances coloniales souffle sur le continent africain, notamment au Congo belge. Des partis politiques, comme l'Association des Bakongo pour l'unification, la conservation et l'expansion de la langue kikongo (Abako) et le Mouvement national congolais (MNC), revendiquent même l'indépendance. Le 4 janvier 1959, l'Abako prévoit tenir une assemblée dans un Y.M.C.A. de Kalamu, une commune de la capitale, Léopoldville. Sous l'incitation du premier bourgmestre de la ville, Jean Tordeur, les organisateurs acceptent de la reporter. Une foule se rassemble néanmoins à cet endroit le 4 janvier. Le leader de l'Abako, Joseph Kasavubu, prononce un court discours, annonçant que la réunion aura lieu après une déclaration du gouvernement belge prévue pour le 13 janvier. Mais dans les heures qui suivent, la situation s'envenime. Aux mécontents se greffent des dizaines de milliers d'amateurs de football déçus de la défaite de leurs favoris. La violence se répand dans la ville. Des maisons, magasins, missions religieuses et symboles de l'autorité coloniale sont vandalisés. Des policiers et des troupes interviennent avec force. Le bilan des quatre jours suivants varie selon les estimations qui vont de 49 à plusieurs centaines de morts. Kasavubu et d'autres meneurs de l'ABAKO sont arrêtés et emprisonnés pendant quelques mois. L'événement fait le tour du monde et contribue à alimenter le sentiment indépendantiste. Le 13 janvier, le roi Baudouin 1er fait un discours dans lequel il annonce une « large décentralisation conjuguée avec une extension rapide du système électoral, et l'abandon de toute discrimination entre noirs et blancs ». Les événements du 4 janvier, qui deviendra la journée des Martyrs, seront considérés comme déterminants dans l'accession du Congo à l'indépendance, le 30 juin 1960. Joseph Kasavubu sera alors le premier président et Patrice Lumumba, du MNC, le chef du gouvernement.

Dans les médias...


Benoit Verhaegen, « Révolte au Congo belge »

«...Il était évident que 25.000 soldats africains et quelques milliers de policiers, africains également, ne pourraient retarder longtemps la volonté d'indépendance une fois que celle-ci se manifesterait. Ce qui a été conquis constitue tout au plus un point de passage obligé, vers la décolonisation totale et l'émancipation économique, sociale, culturelle et religieuse, dont personne ne semble entrevoir comment elle s'effectuera. Les forces colonisatrices ont cédé sur le point où elles étaient les plus faibles, où il n'existait pas même de volonté de défense, ailleurs l'Église catholique ; les groupes économiques, les colons, la société blanche globale ont maintenu leurs positions. À moins qu'on ne défende l'idée simpliste que le Congo indépendant les fera disparaître et qu'on peut décoloniser en supprimant le décolonisateur, c'est la libération mutuelle des sociétés noire et blanche qui constitue encore le problème clé du Congo belge. »


Esprit (France), mars 1959, p. 499-500.

Les Sept, « Le Congo au tournant »

«...Il est encore trop tôt pour analyser en détail et avec précision, les causes des tragiques événements de Léopoldville. Tout le monde s'accorde, en tout cas, à dire que l'émeute n'aurait pas pris cette ampleur si nous n'avions pas tant tardé à répondre aux revendications de l'élite congolaise, nous pressant, depuis 1956, de définir clairement l'avenir du Congo, et de mettre au premier rang de ces buts, la possibilité pour ses habitants de disposer d'eux-mêmes. Aujourd'hui ces buts se trouvent définis et d'une manière indiscutable, mais il est fort regrettable que la politique nouvelle soit proclamée dans un climat détérioré, qui rendra d'autant plus difficile la mise en oeuvre harmonieuse des moyens de réaliser cette politique. Il importe que nous tirions la leçon des événements et, pour reprendre le langage royal, que nous comprenions que les atermoiements sont tout aussi funestes que la précipitation inconsidérée. Et nous devons être attentifs au fait que, en ce qui concerne la nation tutrice, c'est le premier péril qui la guette et non le second. Nous ne pouvons réussir que si nous prévenons les difficultés et que si nous prenons l'initiative des réformes. »


La Revue nouvelle (Belgique), tome XXIX, 1959, p. 1.

S.A., « Un avertissement pour Bruxelles »

«...La politique de promotion sociale et de développement encore pratiquée depuis cinquante années par les Belges a longtemps empêché les Congolais de se soucier de l'absence de droits politiques. Mais, depuis quelques mois, un certain nombre de données de la situation ont radicalement changé. La récession minière a entraîné une chute des cours du cuivre, et le revenu national s'est abaissé dans des proportions telles que pour la première fois depuis 1908 les dépenses du budget congolais ont excédé les recettes. Les investissements métropolitains et étrangers se sont considérablement ralentis et une tendance au rapatriement de capitaux vers la Belgique s'est même manifestée récemment. La multiplication des formations nationalistes - phénomène récent - a été d'autant plus sous-estimée par les autorités belges qu'il s'agissait souvent de mouvements fantomatiques et éphémères. Mais certaines de ces formations ont rapidement acquis la structure et l'influence de véritables partis politiques. C'est le cas notamment de l'Association des originaires du Bas-Congo (l'ABAKO), qui est la responsable directe des émeutes de dimanche et lundi. »


Le Monde (France), 7 janvier 1959, p. 1.

S.A., « Belgian Colgo « If Blood must Run »»

«...After his (Kasavubu) election as one of Léopoldville's commune burgomasters in 1957, he had himself declared « Supreme Leader » by his followers, and began receiving homage seated on a leopard skin, symbol of tribal supreme power. Meanwhile, the rival Bangalas also began organizing, and the bush telegraph began to echo the nationalist sentiments of the recent All African Peoples Conference in Accra. To make matters worse, the demand for Congolese copper ore hit a slump, and jobless natives swarmed into the city to find work. Finally, one day last week, 4,000 blacks jammed into the courtyard of a Y.M.C.A. to hear Kasavubu speak at an unauthorized protest meeting. When the police arrived, the riots began. (...) With cries of « Independence! », « Down with Belgium! » and « Vive Ghana! », the crowd surged down Prince Baudouin Avenue, was soon joined by thousands of spectators who were just then emerging from the football stadium. »



Chronologie 1954 - 1964







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