En mode sapologie à Bruxelles en 1960 Lumumba et Kasa-Vubu


Patrice Emery Lumumba : De la neutralisation à l'assassinat (Deuxième partie)
1. La Neutralisation (Suite)
• La destitution
Le 05 Septembre 1960. La décision de supprimer purement et simplement le Premier Ministre Congolais est déjà prise depuis longtemps par les responsables américains, et autres, à leur plus haut niveau. La question qui reste est de savoir comment le faire. Plusieurs plans sont déjà définis.
Le président Kasa-Vubu finit par être associé. Quand le plan de l'assassinat de son Premier Ministre lui est soumis, il s'en émeut, angoissé. Cet ancien séminariste, grand partisan de Gandhi, répugne aux actes de violence. Même si l'Eglise Catholique lui souffle insidieusement dans le secret du confessionnal: "Tuer un communiste n'est pas un péché..."
En effet, Lumumba, encouragé par la "Ford Fondation" s'est attiré les foudres de l'Eglise depuis qu'il a proposé de laïciser l'enseignement. Depuis, surtout à partir du 01 Août, Monseigneur Joseph Mulula, alors évêque de Léopoldville ne cessait de prêcher des sermons durs contre le Premier Ministre qu'il taxait de "communiste", de "dictateur qui ramène le Congo à l'époque des razzias", de "fossoyeur de la culture Bantou”... Pour d'autres prélats, Lumumba n'était rien d'autres que "le diable en personne" voir l'incarnation de la bête étiquetée "666” dans le livre d'Apolypse. C'est ainsi que début Août, sur l'avenue Josephine-Charlotte de Léopoldville, le convoi du Premier Ministre subbit une grêle de pierres lancée par une foule chauffée à blanc par les harrangues de l'évêque de Léopoldville. Lumumba n'eût la vie sauve qu'en battant en retraite, échappant ainsi au lynchage grâce à la virtuosité de son chauffeur.
Désespérément, le Président tente de se dégager du piège où, malgré ses convictions religieuses, tôt ou tard il sera obligé de tomber. Il trouve, pour convaincre ses interlocuteurs, un ultime expédient : "Dans les circonstances actuelles il est impossible de me séparer de Lumumba, car aucun autre leader ne possède la stature politique indispensable pour le remplacer."
Il se trompe. La CIA a déniché "l'oiseau rare" dans l'entourage même du Premier Ministre : son propre Secrétaire d'État à la présidence, un certain...Joseph Désiré Mobutu. Ce dernier, ancien sergent-comptable, vient d'être promu par Lumumba lui-même Chef d'Etat-Major de l'armée Congolaise. Nous y reviendrons...
Écarter "La Canaille".
Par "la canaille", entendez par là Patrice Emery Lumumba. C'est ainsi que les milieux belges le surnomment. Les belges en veulent à mort à ce "petit" leader nègre qui a osé affronter verbalement (en public encore!) leur majestueux souverain le 30 Juin 1960. Dans ce combat, ils sont soutenus par les Français ( avec le général De Gaulle qui garde fraîchement en mémoire l'affront de Sékou Touré, en 1958 à Conakry) et toutes les autres puissances coloniales. Il faut sévèrement (méchamment) punir tous les nègres qui osent parler indélicatement devant les "grands chefs blancs" (même si ces nègres ne font rien d'autres que défendre les intérêts de leurs peuples...) afin de décourager tous les autres d'aller dans cet élan.
Le 03 Septembre 1960, M. Timberlake, ambassadeur des USA au Congo, est reçu par le président Kasa-Vubu. Prévue initialement pour durer une simple demi-heure, l'audience se prolonge pendant cinq heures. A la suite de cet entretien, le président de la République convoque son conseiller, lequel arrive des USA. Le sort de Lumumba s'est décidé. Mais comment fera le président pour écarter son Premier Ministre ? Réponse : La destitution.
En effet, dans la foire d'empoigne qu'était devenue Léopoldville, les leaders Congolais, emportés par le tourbillon des plaisirs jusqu'alors interdits: manigances politiques, commerces fructueux et réjouissances officielles, avaient omis lire attentivement cette fameuse "Loi fondamentale", héritée de la Belgique qui leur servait de Constitution. Avec sa patience acquise dans les cellules monastiques, Kasa-Vubu, lui, l'avait épluchée. Il s'était rendu compte qu'elle recelait quelques pièges, en particulier le caractère bicéphale de l'exécutif donnant au Président, apparemment sans pouvoir réel, celui ô combien important de révoquer le Premier Ministre. Sans doute que les Belges ont aussi fini par l'aider à comprendre cette constitution dans toutes ses méandres.
Ce 5 Septembre... Le président a déjà pris sa décision de destituer son cher Premier Ministre. C'est ainsi qu'à l'issue du Conseil de son cabinet, de sa petite voix douce et traînante, Kasa-Vubu annonce à son secrétaire particulier: "Philibert, je vais destituer Lumumba aujourd'hui... Il faut prendre des dispositions de sécurité en ville."
Sidéré, Philibert Luyeye essaie de dissuader le président que cela était impossible vue la popularité de Lumumba.
Mais la décision du président est déjà prise...
C'est ainsi que Mr Luyeye se rend au siège de l'ONUC (La mission de l'ONU au Congo à cette époque) où il demande au commandant des "casques bleus" de renforcer la garde des bâtiments administratifs et à l'officier Singa Boyenge (futur Chef d'Etat-Major des Forces Armées Zaïroises) de l'ANC de prévoir une protection renforcée du président de la République.
Il est déjà soir en ce jour caniculaire et crucial du 05 Septembre. L'énigmatique Kasa-Vubu quitte son bureau... direction la Radio Léopoldville. Au passage, il informe son conseiller Belge, le Professeur Van Bilsen (Oui, le fameux auteur du plan de trente ans pour l'émancipation des Congolais...) qu'il part destituer son Premier Ministre.
Dans l'antichambre, il a laissé néanmoins percer son appréhension : "Mavumbi, si je ne rentre pas d'ici une heure, tu te rendras à mon domicile et demanderas à ma femme d'ouvrir la valise rouge. J'ai laissé toutes mes instructions à l'intérieur."; dit-il à l'un de ses collaborateurs.
Moins d'une heure plus tard, le peuple Congolais apprenait en direct la décision du Président, de sa propre voix, déstituant son Premier Ministre. En effet, il était 20h 03 minutes. La Radio Léopoldville commença son programme d'anglais habituel. A 20h 15minutes, ce programme fut interrompu et la douce et calme voix du Président le remplaça :
"Mes chers compatriotes, j'ai une nouvelle extrêmement importante à vous annoncer. Le Premier Bourgmestre qui avait été nommé par le roi des Belges selon les dispositions de la loi fondamentale provisoire, a trahi la tâche qui lui a été confié. [...]
C'est pourquoi j'ai jugé nécessaire de le révoquer immédiatement du gouvernement...”
"Le Premier Bourgmestre"...oui, vous avez bien lu! Il faut dire que la décision avait fortement ému le président de telle sorte qu'il alla jusqu'à commettre ce lapsus linguae, qu'au lieu du Premier Ministre, il dit "Premier Bourgmestre"...
N'oublions pas non plus que le tout premier bourgmestre Congolais fut un certain...Joseph Kasa-Vubu ! La commune dont il prit la tête en 1957, porte actuellement son nom (De Dendale, elle est devenue Kasa-Vubu).
À suivre...

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